¡Barriga llena, corazón contento ! ou « Quand le ventre est plein, le cœur est content ! » ! Voilà un leitmotiv qui colle parfaitement à la peau des costeños, les habitants de la Côte Caraïbes en Colombie.

Réputés pour leur épicurisme et leur joie de vivre, dans une région aussi fabuleuse que torride, les caribeños sont surtout de vrais marmitons et lorsqu’il s’agit de cuisiner, ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère pour régaler les badauds venus se restaurer à l’ombre après un bain de soleil. Nous vous proposons un petit tour d’horizon d’une gastronomie aux saveurs tropicales, riches et variées, qui sans aucun doute vous feront voyager…
¡Buen provecho !

El sancocho colombiano

Une cuisine variée aux influences multiples
Aussi improbable que cela puisse paraître, le plat le plus typique et le plus consommé sur la Côte est une soupe, un ragoût nommé sancocho. Préparé le plus souvent à base de poissons d’eau douce (bocachicos, bagre) ou de mer (bar, daurade, crabes et autres fruits de mer), c’est une délicieuse tambouille composite, mêlant légumes et herbes, qui se laisse mijoter sous le regard attentif du cuistot.

Au-delà du fait que vous y goûterez forcément durant votre voyage, vous entendrez aussi souvent les colombiens dire que « La Colombie est un sancocho », illustrant l’idée que le pays est un véritable melting-pot d’influences, de langues et de cultures diverses. En effet, la Côte caribéenne fut historiquement la terre où les premiers colons posèrent le pied. S’ensuivirent une succession d’arrivages hétéroclites et d’influences variées : les esclaves noirs venus d’Afrique, les commerçants Arabes (notamment Syriens et Libanais), Juifs séfarades ou asiatiques, mais aussi les Portugais, Anglais ou Français qui faisaient escales dans les ports de Carthagène, Barranquilla ou Santa Marta.

On peut donc affirmer que tout comme ses habitants, la cuisine des Caraïbes, «  la costeña », est le fruit de nombreux mélanges. Si les corrientazos (plats du jour typiques) étaient des machines à remonter le temps, on retracerait les origines des multiples produits qui forment aujourd’hui la cuisine colombienne et notamment caribéenne.
Il y a tout d’abord l’héritage indigène, qui réunit maïs, yuca (sorte de manioc), pomme de terre et patate douce, ajies (piments), tomate, avocat. D’Afrique les costeños ont récupéré le ñame, la candia ou le guandul (sortes de haricots), le sorgo (céréale), la tradition de cuisiner avec la noix de coco, etc. Des Arabes ils récupèrent des savoir-faire culinaires à base d’aubergines, d’albondigas (boulettes de viande), ainsi que les pâtisseries et les épices. Des européens : les agrumes, la carotte. Des asiatiques : la mangue, le riz, le platano (banane plantain)…

Outre les plats cuisinés (dont certains sont détaillés ensuite), la gastronomie caribéenne comprend également de nombreux petits beignets frits qui se mangent sur le pouce et à toute heure. Les «  arepas  » sont des petites galettes de maïs que vous trouverez aux quatre coins du pays mais qui peuvent être particulièrement savoureuses sur la Côte. Les carimañolas sont de succulents beignets de yuca fourrés à la viande et aux légumes. Enfin, ne manquez évidemment pas les empanadas de fruits de mer ou crustacés, très savoureuses à l’heure de l’apéro.

Un paradis de fruits et de jus en tout genre

Si en Colombie l’expression «  No dar papaya  » (ne donne pas la papaye) signifie qu’il faut parfois faire attention, sur la côte n’ayez aucune crainte en ce qui concerne les fruits. Eh oui, la Colombie est bien un El Dorado pour les amateurs de fruits farfelus, sous tous leurs aspects. Dans les Caraïbes, on trouve de tout : zapote, lulo, curuba(passiflore comestible de banane), mamoncillo, uchuva (groseille), feijoa, passiflore doux, mamey, guama, tomate d’arbre, borojó (qui donne un jus aphrodisiaque), pomarrosa, anón, chirimoya, guanábana, maracuyá (fruit de la passion), granadilla, chontaduro, mora (semblable aux mûres), cocota, carambolo, corozo, guayaba manzana(hybride entre la goyave et la pomme), petites bananes douces (appelées les murrapos), níspero et pitahaya

La liste est longue et non exhaustive et les costeños sont passés maîtres dans l’art de concocter des jus de fruits, tous plus savoureux les uns que les autres. Ces rafraichissants breuvages réveilleront vos papilles.

La cuisine et la paix

Dans une région qui porte encore les stigmates du conflit armé en Colombie, certains chefs et producteurs, costeños ou non, se sont retrouvés en août 2016 au Festival Gastronomique Sabor de Barranquilla puis à Bogota lors du Forum «  Gastronomie et Paix  », afin de réfléchir à des initiatives culinaires qui pourrait contribuer à réunir le peuple colombien autour de sa cuisine.

« La cuisine doit être un des outils pour réunir le pays, avec lequel nous pouvons aussi reconnaître notre diversité, voir que nous avons une histoire commune qui nous représente tous« , explique le chef engagé Eduardo Martinez. « La paix ne se consolidera pas s’il n’y a pas une réelle décision de la part toutes les strates de la société pour soutenir les paysans. »

L’idée est donc de promouvoir les produits et les plats locaux pour que la gastronomie se mette réellement au service de la paix en encourageant les petits paysans qui auparavant cultivaient à la solde des groupes armés. Les Accords de Paix signés à La Havane prévoient d’ailleurs de soutenir l’agriculture locale face aux grandes multinationales. La célèbre cheffe, Leonor Espinosa explique : « Plus on consomme de produits colombiens, plus il y a une répercussion sur l’économie locale. Si les économies locales s’améliorent, la violence devrait diminuer« .

Des chefs comme Juan Manuel Barrientos ont également mis sur pied des programmes de réinsertion dans leurs cuisines pour de jeunes démobilisés des guérillas comme en témoigne la création de la Fondation El Cielo.

Aux fourneaux !

Quelques petites idées de recettes à tester avant de partir :

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Texte d’Eliott Brachet